Optimisation fiscale : Transfert CET vers PER, stratégies et avantages pour les salariés

La convergence entre le Compte Épargne Temps (CET) et le Plan d’Épargne Retraite (PER) constitue un levier d’optimisation fiscale souvent méconnu par les salariés. Ce mécanisme permet de transformer des jours de congés non pris en épargne retraite, avec des avantages fiscaux considérables. Les droits inscrits au CET peuvent être transférés vers un PER dans certaines conditions, créant ainsi une stratégie patrimoniale efficace. Face à la complexité du dispositif, il convient d’examiner précisément les modalités de ce transfert, son traitement fiscal spécifique et les stratégies à privilégier pour maximiser les bénéfices de cette opération.

Fondements juridiques du transfert CET-PER

Le cadre légal du transfert des droits du Compte Épargne Temps (CET) vers un Plan d’Épargne Retraite (PER) s’inscrit dans une volonté du législateur de favoriser la constitution d’une épargne retraite supplémentaire. Cette possibilité trouve son origine dans la loi PACTE du 22 mai 2019 qui a profondément remanié le paysage de l’épargne retraite en France.

Le Code du travail, en son article L.3153-3, prévoit expressément la faculté pour le salarié d’utiliser les droits affectés sur son CET pour « contribuer au financement de prestations de retraite qui revêtent un caractère collectif et obligatoire ». Cette disposition a été complétée par l’article L.224-20 du Code monétaire et financier qui autorise spécifiquement l’alimentation du PER par transfert de sommes provenant d’un CET.

Conditions d’éligibilité au transfert

Pour être éligible au transfert vers un PER, les droits inscrits au CET doivent répondre à plusieurs conditions :

  • Le CET doit être formellement établi au sein de l’entreprise par accord collectif
  • Le règlement du CET doit autoriser explicitement le transfert vers des dispositifs d’épargne retraite
  • Seuls les droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l’employeur peuvent bénéficier d’un régime fiscal avantageux

Il convient de noter que tous les PER ne sont pas éligibles à recevoir des transferts depuis un CET. Le PER Individuel (PERin), le PER d’Entreprise Collectif (PERcol) et le PER d’Entreprise Obligatoire (PERob) peuvent accueillir ces droits, avec des nuances dans leur traitement fiscal.

La doctrine administrative, et particulièrement le BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) BOI-RSA-ES-10-10-20 précise les modalités pratiques de ce transfert. Le Conseil d’État a confirmé cette interprétation dans plusieurs arrêts, dont celui du 26 novembre 2018 (n°417952), qui valide le principe de l’exonération fiscale des sommes transférées sous certaines conditions.

Les conventions collectives peuvent déterminer des règles spécifiques concernant le CET et son articulation avec les dispositifs d’épargne retraite. Il est donc fondamental pour le salarié de consulter l’accord d’entreprise ou la convention collective applicable pour connaître précisément les modalités de transfert autorisées dans son cas particulier.

Régime fiscal privilégié des transferts CET vers PER

Le transfert des droits inscrits au Compte Épargne Temps vers un Plan d’Épargne Retraite bénéficie d’un traitement fiscal particulièrement avantageux, constituant une opportunité d’optimisation fiscale significative pour les salariés.

La législation fiscale prévoit que les droits CET transférés vers un PER sont exonérés d’impôt sur le revenu dans la limite de dix jours par an (article 81, 18° du Code général des impôts). Cette exonération concerne uniquement les droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l’employeur, les droits issus des congés annuels étant exclus de ce dispositif favorable.

Plafonnement de l’avantage fiscal

L’exonération fiscale est doublement plafonnée :

  • Limitation à 10 jours de transfert par an
  • Ces jours ne sont pas pris en compte dans le plafond annuel de déduction fiscale du PER (10% des revenus professionnels)

Ce régime dérogatoire permet au salarié de bénéficier d’une économie d’impôt immédiate, puisque les sommes transférées ne sont pas intégrées dans le revenu imposable de l’année du transfert. Cette caractéristique distingue fondamentalement ce mécanisme des versements volontaires classiques sur un PER, qui ne génèrent qu’une déduction fiscale dans la limite du plafond disponible.

A lire  Assurance santé et soins de longue durée : Comprendre le cadre légal pour une protection optimale

Pour illustrer ce mécanisme, prenons l’exemple d’un cadre supérieur dont la rémunération journalière s’élève à 500€. Le transfert de 10 jours de CET vers son PER représente 5.000€ qui échappent intégralement à l’impôt sur le revenu. Pour un contribuable soumis à la tranche marginale d’imposition de 41%, l’économie d’impôt immédiate s’élève à 2.050€, sans consommer son plafond de déduction PER par ailleurs.

Les charges sociales applicables à ces transferts méritent une attention particulière. Les sommes transférées sont exonérées de cotisations de sécurité sociale, mais restent soumises à la CSG et à la CRDS au taux global de 9,7%. Cette contribution est prélevée à la source par l’employeur au moment du transfert.

Sur le plan comptable, l’administration fiscale considère que ces transferts constituent une modalité particulière de versement de la rémunération. L’employeur doit donc établir un bulletin de paie mentionnant distinctement les sommes transférées vers le PER, tout en les excluant de l’assiette du prélèvement à la source.

Enfin, il faut souligner que ce régime fiscal favorable s’applique uniquement au moment du transfert. Lors du déblocage des sommes à la retraite, les droits CET transférés suivront le régime fiscal commun des sorties du PER, à savoir une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu pour les sorties en capital, ou une fiscalité adaptée aux rentes viagères à titre gratuit pour les sorties en rente.

Stratégies d’optimisation du transfert CET-PER

L’articulation entre le Compte Épargne Temps et le Plan d’Épargne Retraite offre des opportunités stratégiques que les salariés peuvent exploiter pour optimiser leur situation fiscale et patrimoniale. Ces stratégies doivent être élaborées en tenant compte de plusieurs paramètres personnels et professionnels.

Séquençage optimal des transferts

La limitation à 10 jours par an du transfert exonéré invite à planifier ces opérations sur plusieurs exercices fiscaux. Un salarié disposant d’un CET bien alimenté aurait intérêt à programmer des transferts réguliers plutôt qu’une opération unique. Cette approche permet de maintenir l’avantage fiscal sur une période prolongée.

Pour les cadres dirigeants ou les salariés à forte rémunération, la coordination entre le transfert CET et les autres versements sur le PER s’avère critique. La stratégie optimale consiste souvent à :

  • Utiliser prioritairement le transfert CET (exonération totale)
  • Compléter ensuite par des versements volontaires déductibles dans la limite du plafond disponible
  • Envisager des versements non déductibles si la perspective de sortie en capital défiscalisé est attractive

Les périodes de forte imposition constituent des moments privilégiés pour effectuer ces transferts. Un salarié bénéficiant d’une prime exceptionnelle ou d’une augmentation substantielle verra l’avantage fiscal du transfert CET-PER amplifié du fait de sa tranche marginale d’imposition élevée cette année-là.

Arbitrage entre les différents compartiments du PER

Le choix du compartiment PER destinataire du transfert revêt une importance stratégique. Les sommes issues du CET peuvent être dirigées vers :

Le compartiment collectif (ex-PERCO) : la sortie en capital sera totalement exonérée d’impôt sur le revenu (seuls les produits seront soumis aux prélèvements sociaux)

Le compartiment individuel : la sortie en capital sera soumise à l’impôt sur le revenu, mais la sortie en rente bénéficiera du régime favorable des rentes viagères à titre gratuit

Pour les salariés proches de la retraite, l’orientation vers le compartiment collectif peut s’avérer judicieuse pour bénéficier d’une défiscalisation complète à la fois à l’entrée et à la sortie du dispositif.

Les perspectives d’évolution professionnelle doivent être intégrées dans cette réflexion stratégique. Un salarié anticipant une mobilité internationale pourrait avoir intérêt à consolider son CET en PER avant son départ, pour sécuriser l’avantage fiscal français et éviter les complications liées aux régimes fiscaux étrangers.

L’arbitrage entre sécurité et performance constitue une dimension supplémentaire de cette stratégie. Les droits CET, une fois transférés vers le PER, peuvent être investis selon différents profils de risque. La proximité de la retraite et l’horizon de placement doivent guider ces choix d’allocation d’actifs.

Traitement social et comptable du dispositif

Le transfert des droits du Compte Épargne Temps vers un Plan d’Épargne Retraite s’accompagne d’implications significatives tant sur le plan social que comptable, qu’il convient d’appréhender avec précision pour une mise en œuvre optimale du dispositif.

Sur le plan social, les sommes transférées du CET vers le PER bénéficient d’un régime de faveur. Elles sont exonérées de cotisations de sécurité sociale dans la limite des dix jours annuels, conformément à l’article L.242-4-3 du Code de la sécurité sociale. Cette exonération constitue un avantage significatif par rapport à la monétisation directe des jours de CET, qui serait intégralement soumise aux charges sociales.

A lire  Les obligations de conformité dans le secteur bancaire

Toutefois, ces sommes restent assujetties à :

  • La CSG au taux de 9,2%
  • La CRDS au taux de 0,5%
  • Le cas échéant, au forfait social à la charge de l’employeur (20% en principe, avec des taux réduits dans certains cas)

Procédures opérationnelles du transfert

Le processus de transfert nécessite une coordination entre plusieurs acteurs. Le service des ressources humaines doit établir une procédure claire qui comprend :

La formalisation de la demande du salarié, généralement par un formulaire dédié

La valorisation précise des jours de CET selon les règles prévues par l’accord d’entreprise

L’identification du PER destinataire et du compartiment concerné

La réalisation du transfert effectif des fonds vers l’établissement gestionnaire du PER

L’information du salarié sur les modalités de gestion des sommes transférées

Sur le plan comptable, l’opération de transfert doit être correctement documentée. Pour l’entreprise, elle se traduit par :

Une écriture de débit du compte de provision pour CET

Un crédit du compte de tiers correspondant à l’organisme gestionnaire du PER

La comptabilisation des charges sociales afférentes (CSG, CRDS et forfait social)

Ces opérations doivent figurer sur le bulletin de paie du salarié avec une mention spécifique précisant la nature et le montant du transfert, ainsi que son caractère exonéré d’impôt sur le revenu. Cette transparence est essentielle pour faciliter les contrôles ultérieurs, notamment en cas de vérification fiscale.

Pour l’entreprise, le transfert CET-PER présente également des avantages comptables. Il permet de réduire les provisions pour congés payés et CET au bilan, améliorant ainsi certains ratios financiers. Le forfait social applicable à ces transferts peut varier selon la taille de l’entreprise et la nature du PER destinataire, avec des exonérations possibles pour les PME de moins de 50 salariés dans le cadre d’un PERcol.

Les commissaires aux comptes portent une attention particulière à ces opérations lors de leurs audits annuels. Ils vérifient notamment la conformité des transferts avec les accords collectifs en vigueur et la correcte valorisation des jours de CET transférés, qui doit reposer sur des règles objectives et constantes.

Points de vigilance et perspectives d’évolution

Si le mécanisme de transfert des droits CET vers un PER présente des avantages indéniables, plusieurs points de vigilance méritent d’être soulignés pour éviter les écueils et anticiper les évolutions potentielles de ce dispositif.

Risques et limites du dispositif

Le premier risque concerne la qualification fiscale du transfert. L’exonération fiscale est conditionnée à plusieurs critères stricts que l’administration peut contester lors d’un contrôle. Pour sécuriser l’opération, il est recommandé de :

  • Vérifier minutieusement l’origine des droits CET (jours d’abondement employeur vs congés légaux)
  • S’assurer que l’accord CET autorise explicitement le transfert vers un PER
  • Conserver tous les justificatifs relatifs au transfert (demande écrite, valorisation des jours, preuve du transfert)

Un second point d’attention concerne la disponibilité des fonds. Une fois transférés vers le PER, les droits CET deviennent indisponibles jusqu’à la retraite, sauf cas de déblocage anticipé prévus par la loi. Cette perte de liquidité doit être soigneusement évaluée, particulièrement pour les salariés qui pourraient avoir besoin d’utiliser leur CET à moyen terme pour d’autres projets.

L’impact sur les droits sociaux constitue un autre aspect à considérer. Les sommes transférées étant exonérées de cotisations sociales, elles ne génèrent pas de droits supplémentaires pour la retraite de base ou complémentaire. Cette conséquence peut s’avérer défavorable pour les salariés en début de carrière ou ceux dont le niveau de cotisation est déterminant pour leurs droits futurs.

Évolutions prévisibles du cadre légal

Le dispositif de transfert CET-PER s’inscrit dans un contexte de réformes successives des systèmes de retraite et d’épargne salariale. Plusieurs évolutions sont envisageables à moyen terme :

La réforme des retraites pourrait modifier l’attractivité relative du transfert CET-PER, notamment si l’âge légal de départ est repoussé ou si les paramètres de calcul des pensions sont substantiellement modifiés.

Le plafonnement à 10 jours pourrait être révisé, à la hausse comme à la baisse, en fonction des orientations politiques en matière d’épargne retraite et de finances publiques.

A lire  La réglementation des activités de microfinance pour particuliers : enjeux et perspectives

Le traitement fiscal à la sortie des sommes issues du CET pourrait être clarifié ou modifié, notamment concernant la distinction entre capital et revenus.

Face à ces incertitudes, une approche prudente consiste à diversifier les stratégies d’épargne retraite, en ne concentrant pas tous les efforts sur le seul transfert CET-PER.

Pour les entreprises, l’évolution du forfait social représente un enjeu significatif. Toute modification de son taux ou de son assiette impacterait directement le coût du dispositif pour l’employeur et pourrait influencer sa propension à encourager ces transferts.

Les jurisprudences récentes du Conseil d’État et de la Cour de cassation tendent à préciser progressivement le cadre d’application de ces dispositifs. Une veille juridique attentive s’impose donc pour les professionnels conseillant les salariés sur ces opérations.

La digitalisation des processus RH offre de nouvelles perspectives pour faciliter ces transferts. Des solutions technologiques émergent pour automatiser partiellement les demandes, calculs et suivis des transferts CET-PER, réduisant ainsi les risques d’erreurs et simplifiant les démarches administratives pour les salariés comme pour les employeurs.

Cas pratiques et applications concrètes

L’application pratique du mécanisme de transfert CET-PER peut être illustrée à travers plusieurs scénarios représentatifs des différentes situations rencontrées par les salariés.

Cas d’un cadre supérieur fortement fiscalisé

Thomas, 52 ans, directeur financier, perçoit une rémunération annuelle de 150.000€, le plaçant dans la tranche marginale d’imposition à 45%. Il dispose d’un CET bien alimenté avec 30 jours accumulés, dont 25 proviennent d’abondements de son employeur. Sa rémunération journalière est de 680€.

Stratégie optimale : Thomas transfère 10 jours de son CET vers son PERob, soit un montant de 6.800€. Cette somme est intégralement exonérée d’impôt sur le revenu, générant une économie immédiate de 3.060€ (6.800€ × 45%). Il prévoit de renouveler l’opération les deux années suivantes pour épuiser son CET de manière fiscalement efficiente.

Parallèlement, Thomas effectue un versement volontaire déductible sur son PERin à hauteur de son plafond disponible (environ 30.000€), maximisant ainsi son avantage fiscal global. Cette stratégie combinée lui permet d’optimiser sa préparation à la retraite tout en réduisant significativement sa pression fiscale actuelle.

Cas d’un salarié proche de la retraite

Marie, 58 ans, cadre intermédiaire, prévoit de prendre sa retraite dans 4 ans. Elle dispose d’un CET de 20 jours valorisés à 3.800€ au total. Sa priorité est de financer un projet de voyage dès son départ en retraite.

Stratégie adaptée : Marie oriente son transfert CET vers le compartiment collectif de son PER d’entreprise (ex-PERCO). En procédant à des transferts de 5 jours par an sur les 4 années restantes, elle bénéficie de l’exonération fiscale à l’entrée. À son départ en retraite, elle pourra récupérer l’intégralité du capital sans impôt sur le revenu (seuls les produits étant soumis aux prélèvements sociaux).

Cette approche lui garantit une double exonération fiscale, à l’entrée comme à la sortie du dispositif, tout en lui assurant la disponibilité des fonds pour son projet de voyage.

Application dans une PME avec accord d’intéressement

La société InnoTech, PME de 45 salariés dans le secteur technologique, a mis en place un accord d’intéressement et un PERcol. L’entreprise souhaite encourager ses employés à transférer leurs droits CET vers ce dispositif d’épargne retraite.

Mesures mises en place :

  • Modification de l’accord CET pour autoriser explicitement les transferts vers le PERcol
  • Instauration d’un abondement de 50% sur les jours CET transférés vers le PERcol
  • Organisation de sessions d’information pour les salariés sur les avantages fiscaux du dispositif
  • Simplification des démarches administratives via un formulaire dématérialisé

Résultats obtenus : 65% des salariés disposant d’un CET ont effectué un transfert vers le PERcol. L’entreprise a bénéficié d’une exonération de forfait social sur ces transferts (avantage réservé aux PME de moins de 50 salariés), réduisant ainsi le coût global du dispositif tout en améliorant l’attractivité de sa politique de rémunération différée.

Coordination avec d’autres dispositifs d’épargne salariale

Le transfert CET-PER peut s’intégrer dans une stratégie plus large d’optimisation de l’épargne salariale. Prenons l’exemple de Laurent, 45 ans, qui bénéficie à la fois d’un CET, d’un accord d’intéressement et de participation, ainsi que d’un actionnariat salarié.

Sa stratégie coordonnée consiste à :

Transférer 10 jours de CET vers son PER chaque année (exonération fiscale totale)

Diriger son intéressement vers le PEE pour bénéficier de la disponibilité à 5 ans

Affecter sa participation au PER pour profiter de la déduction fiscale

Diversifier ses investissements entre fonds monétaires, obligataires et actions

Cette approche équilibrée lui permet de constituer une épargne à différents horizons temporels tout en optimisant les avantages fiscaux propres à chaque dispositif.

Ces exemples pratiques démontrent la flexibilité du mécanisme de transfert CET-PER et son adaptabilité à diverses situations personnelles et professionnelles. Ils soulignent l’importance d’une approche personnalisée, tenant compte du profil fiscal du salarié, de son horizon de retraite et de ses objectifs patrimoniaux spécifiques.