La fiscalité de l’assurance vie en cas de démembrement constitue un sujet complexe aux implications patrimoniales considérables. Le démembrement, qui sépare la nue-propriété de l’usufruit, peut s’appliquer tant au contrat lui-même qu’aux capitaux versés, créant un maillage juridique et fiscal sophistiqué. Cette configuration particulière soulève des questions spécifiques concernant l’imposition des primes versées, la taxation des rachats et le traitement fiscal au dénouement du contrat. Face à ces problématiques, comprendre les mécanismes fiscaux applicables devient primordial pour optimiser sa stratégie patrimoniale et anticiper les conséquences fiscales à chaque étape de la vie du contrat d’assurance vie démembré.
Fondamentaux du démembrement appliqué à l’assurance vie
Le démembrement de propriété constitue une technique juridique qui divise les droits sur un bien entre deux titulaires : le nu-propriétaire et l’usufruitier. Appliqué à l’assurance vie, ce mécanisme peut prendre plusieurs formes et répondre à diverses stratégies patrimoniales.
Principes généraux du démembrement
Le démembrement se caractérise par la séparation des attributs du droit de propriété. L’usufruitier dispose du droit d’usage et de jouissance du bien, lui permettant d’en percevoir les fruits (revenus, intérêts), tandis que le nu-propriétaire détient l’abusus, c’est-à-dire le droit de disposer du bien, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits de l’usufruitier. Cette dissociation des prérogatives crée une situation juridique particulière qui trouve un écho spécifique dans l’univers de l’assurance vie.
Dans le contexte assurantiel, le démembrement peut s’opérer de deux manières distinctes : soit au niveau du contrat lui-même (démembrement de la souscription), soit au niveau de la clause bénéficiaire (démembrement du bénéfice). Ces deux approches répondent à des objectifs différents et engendrent des conséquences fiscales propres.
Démembrement de la souscription
Le démembrement de la souscription implique que le contrat d’assurance vie est souscrit conjointement par un nu-propriétaire et un usufruitier. Dans cette configuration, l’usufruitier bénéficie généralement des revenus générés par le contrat durant sa vie, tandis que le nu-propriétaire récupérera l’intégralité des capitaux au décès de l’usufruitier.
Cette forme de démembrement soulève des questions juridiques complexes, notamment concernant l’exercice des prérogatives attachées au contrat. Qui peut effectuer des versements complémentaires ? Qui détient le pouvoir de rachat ? Cette répartition des droits doit être soigneusement encadrée dans la convention de démembrement pour éviter tout conflit ultérieur.
Démembrement de la clause bénéficiaire
Plus fréquent dans la pratique, le démembrement de la clause bénéficiaire consiste à désigner, en cas de décès de l’assuré, un bénéficiaire en usufruit et un autre en nue-propriété. À la mort du souscripteur-assuré, l’usufruitier pourra jouir des capitaux (généralement en percevant les intérêts générés par le placement de ces sommes), tandis que le nu-propriétaire obtiendra la pleine propriété des fonds au décès de l’usufruitier.
Cette technique présente l’avantage d’une mise en œuvre plus simple que le démembrement de souscription, tout en offrant une grande souplesse dans l’organisation de la transmission patrimoniale. Elle permet notamment d’avantager un conjoint survivant (usufruitier) tout en préservant les intérêts des enfants (nus-propriétaires).
- Le démembrement constitue un outil de planification successorale
- Il permet d’organiser la transmission du patrimoine de façon progressive
- Il peut générer des avantages fiscaux significatifs selon les configurations adoptées
La mise en place d’un démembrement sur un contrat d’assurance vie nécessite une analyse précise de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur. Les objectifs poursuivis doivent être clairement identifiés pour déterminer la forme de démembrement la plus adaptée et anticiper ses conséquences juridiques et fiscales.
Régime fiscal des primes versées sur un contrat démembré
La question du traitement fiscal des versements effectués sur un contrat d’assurance vie démembré revêt une importance majeure. Elle détermine non seulement qui supporte la charge fiscale immédiate, mais influence la stratégie globale d’investissement.
Identification du redevable fiscal
Dans le cadre d’un contrat d’assurance vie dont la souscription est démembrée, l’identification du redevable fiscal dépend essentiellement de qui effectue les versements. Selon la doctrine administrative et la jurisprudence, c’est généralement celui qui finance les primes qui est considéré comme le véritable souscripteur économique du contrat.
Lorsque l’usufruitier finance seul les primes, il est logiquement considéré comme le redevable fiscal pour les éventuelles impositions liées aux versements. À l’inverse, si le nu-propriétaire est le seul contributeur, c’est lui qui supportera la charge fiscale correspondante. Dans l’hypothèse d’un financement conjoint, la charge fiscale sera répartie proportionnellement aux contributions de chacun.
Cette règle d’attribution fiscale pose parfois des difficultés pratiques, notamment en termes de preuve. Il est donc recommandé de conserver toute trace des versements effectués pour pouvoir justifier auprès de l’administration fiscale la répartition de la charge fiscale entre usufruitier et nu-propriétaire.
Déductibilité fiscale des primes
Contrairement à certains contrats d’assurance spécifiques (comme l’assurance décès ou certains contrats de retraite), les primes versées sur un contrat d’assurance vie classique ne bénéficient d’aucune déductibilité fiscale, qu’il soit démembré ou non. Cette règle s’applique tant à l’impôt sur le revenu qu’à l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière).
Toutefois, dans certaines configurations particulières impliquant des contrats d’assurance vie utilisés dans un cadre professionnel ou pour garantir un emprunt, des exceptions peuvent exister. Ces situations spécifiques doivent faire l’objet d’une analyse au cas par cas avec l’appui d’un conseil spécialisé.
Traitement au regard des droits de donation
Une attention particulière doit être portée aux implications en matière de droits de donation lorsqu’une personne finance un contrat d’assurance vie démembré au profit d’un tiers. L’administration fiscale peut en effet requalifier cette opération en donation indirecte, soumettant ainsi les primes versées aux droits de mutation à titre gratuit.
Ce risque de requalification est particulièrement présent dans les schémas où un parent verse des primes sur un contrat dont son enfant est nu-propriétaire. Pour limiter ce risque, il est préférable que chaque partie (usufruitier et nu-propriétaire) finance les primes correspondant à la valeur économique de ses droits respectifs.
La valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété s’effectue selon le barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts, qui détermine ces valeurs en fonction de l’âge de l’usufruitier. Par exemple, pour un usufruitier âgé de 61 ans, l’usufruit est valorisé à 40% et la nue-propriété à 60% de la pleine propriété.
- Financement par l’usufruitier : imposition en son nom
- Financement par le nu-propriétaire : imposition en son nom
- Financement mixte : imposition proportionnelle aux apports
La mise en place d’une convention de démembrement détaillée s’avère indispensable pour clarifier ces aspects fiscaux et éviter toute contestation ultérieure. Cette convention doit préciser non seulement les modalités de financement des primes, mais aussi la répartition des droits et obligations de chaque partie tout au long de la vie du contrat.
Fiscalité des rachats sur un contrat d’assurance vie démembré
L’opération de rachat, qu’elle soit partielle ou totale, constitue un moment clé dans la vie d’un contrat d’assurance vie démembré. Son traitement fiscal obéit à des règles spécifiques qui méritent une attention particulière.
Modalités d’exercice du droit de rachat
Dans un contrat d’assurance vie démembré, la question de qui peut exercer le droit de rachat est fondamentale et dépend des stipulations contractuelles. En principe, ce droit appartient conjointement à l’usufruitier et au nu-propriétaire, nécessitant leur accord commun pour être exercé. Cette règle découle de la nature même du démembrement : l’usufruitier dispose du droit de jouissance des fruits du contrat, tandis que le nu-propriétaire détient un droit sur le capital.
Toutefois, la convention de démembrement peut aménager ce principe en prévoyant des modalités spécifiques. Par exemple, certaines conventions attribuent à l’usufruitier seul le droit d’effectuer des rachats partiels dans la limite des intérêts générés par le contrat (quasi-usufruit). D’autres peuvent prévoir un droit de veto du nu-propriétaire ou des conditions particulières d’exercice du droit de rachat.
En l’absence de stipulations claires, la jurisprudence tend à considérer que le rachat nécessite l’accord des deux parties, ce qui peut créer des situations de blocage en cas de mésentente. D’où l’importance d’anticiper ces questions lors de la rédaction initiale de la convention.
Imposition des produits en cas de rachat
Sur le plan fiscal, les produits (intérêts et plus-values) générés par un contrat d’assurance vie et perçus lors d’un rachat sont soumis à l’imposition selon les règles habituelles de l’assurance vie, adaptées au contexte du démembrement.
Le régime d’imposition dépend principalement de la date de souscription du contrat et de l’ancienneté des versements. Pour les contrats souscrits après le 27 septembre 2017, les produits issus des primes versées depuis cette date sont soumis au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 12,8% pour les rachats avant 8 ans, et bénéficient d’un taux réduit de 7,5% après 8 ans (après abattement annuel de 4 600 € pour une personne seule ou 9 200 € pour un couple).
La question cruciale en cas de démembrement est de déterminer qui supporte cette imposition. Conformément aux principes fiscaux généraux, c’est celui qui perçoit les revenus qui est redevable de l’impôt correspondant. Ainsi :
- Si l’usufruitier perçoit seul les produits du rachat, il supportera seul l’imposition
- Si le nu-propriétaire bénéficie des fonds, il sera imposé sur les produits
- En cas de partage des produits, chacun sera imposé proportionnellement à sa part
Cas particulier du quasi-usufruit
Une configuration fréquente dans les contrats démembrés est celle du quasi-usufruit. Dans ce cas, l’usufruitier dispose du droit d’utiliser les capitaux, à charge pour lui (ou sa succession) de restituer l’équivalent au nu-propriétaire à la fin de l’usufruit.
Sur le plan fiscal, cette situation crée des mécanismes particuliers. Lorsque l’usufruitier procède à un rachat dans le cadre d’un quasi-usufruit, il est imposable sur l’intégralité des produits correspondants. En contrepartie, le nu-propriétaire dispose d’une créance de restitution contre l’usufruitier ou sa succession.
Cette créance de restitution présente un intérêt fiscal non négligeable : au décès de l’usufruitier, elle vient en déduction de l’actif successoral, réduisant ainsi l’assiette des droits de succession. Toutefois, pour bénéficier de cet avantage, il est indispensable que le quasi-usufruit soit formalisé par un acte juridique précis (convention de quasi-usufruit) qui détermine les obligations de restitution.
La valorisation de cette créance peut s’avérer complexe, notamment lorsque les rachats ont été effectués sur une longue période. Il est donc recommandé de tenir une comptabilité précise des opérations réalisées dans le cadre du quasi-usufruit pour faciliter le calcul de la créance de restitution au terme de l’usufruit.
Traitement fiscal au dénouement du contrat démembré
Le dénouement d’un contrat d’assurance vie démembré, que ce soit par le décès de l’assuré ou par le terme contractuel, constitue un moment critique sur le plan fiscal. Les implications diffèrent sensiblement selon la nature du démembrement et les caractéristiques du contrat.
Fiscalité au décès de l’assuré dans le cadre d’une clause bénéficiaire démembrée
Lorsque le contrat comporte une clause bénéficiaire démembrée, le décès de l’assuré entraîne le versement des capitaux aux bénéficiaires désignés, avec une répartition entre usufruitier et nu-propriétaire. La fiscalité applicable à ce versement suit les règles propres à l’assurance vie en cas de décès, adaptées au contexte du démembrement.
Pour les primes versées avant les 70 ans de l’assuré, l’article 990 I du CGI prévoit une taxation spécifique après un abattement de 152 500 € par bénéficiaire. La question se pose alors de savoir comment répartir cet abattement entre usufruitier et nu-propriétaire. La doctrine administrative considère que l’abattement doit être appliqué avant la répartition de la valeur entre usufruit et nue-propriété, ce qui maximise son effet.
Pour les primes versées après les 70 ans de l’assuré, c’est l’article 757 B du CGI qui s’applique, soumettant les capitaux aux droits de succession après un abattement global de 30 500 €. Là encore, cet abattement est appliqué avant répartition entre usufruit et nue-propriété.
Dans les deux cas, la valorisation respective de l’usufruit et de la nue-propriété s’effectue selon le barème fiscal de l’article 669 du CGI, en fonction de l’âge de l’usufruitier au jour du décès de l’assuré. Cette valorisation détermine la répartition de la charge fiscale entre les bénéficiaires.
Gestion fiscale de la réunion d’usufruit et de nue-propriété
Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et le nu-propriétaire devient pleinement propriétaire des capitaux par consolidation. Cette réunion de l’usufruit et de la nue-propriété soulève des questions fiscales spécifiques.
Le principe général veut que cette consolidation s’opère sans taxation supplémentaire. En effet, dès lors que les droits ont été correctement acquittés lors du démembrement initial, la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété n’est pas considérée comme un fait générateur d’imposition. Ce principe, affirmé par la jurisprudence et la doctrine administrative, évite une double imposition qui serait économiquement injustifiée.
Toutefois, des situations particulières peuvent complexifier cette analyse. Par exemple, si l’usufruitier a bénéficié d’un quasi-usufruit sur les capitaux et les a consommés, la créance de restitution dont dispose le nu-propriétaire peut faire l’objet de modalités fiscales spécifiques lors de son exercice contre la succession de l’usufruitier.
Spécificités fiscales du contrat à terme démembré
Certains contrats d’assurance vie démembrés prévoient un terme contractuel, à l’issue duquel les capitaux sont versés aux bénéficiaires. Ce cas de figure, moins fréquent que le dénouement par décès, présente néanmoins des particularités fiscales notables.
À l’échéance du contrat, si l’assuré est toujours vivant, les capitaux sont versés conformément aux stipulations contractuelles. Si la souscription était démembrée, usufruitier et nu-propriétaire reçoivent leur part respective selon les modalités prévues dans la convention de démembrement.
Sur le plan fiscal, ce versement est généralement traité comme un rachat total. Les produits (différence entre les sommes versées et les primes investies) sont alors soumis à la fiscalité des rachats d’assurance vie, avec application du PFU ou, sur option, du barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’imposition est répartie entre usufruitier et nu-propriétaire selon la portion des produits revenant à chacun.
- Décès avant 70 ans : application de l’article 990 I avec abattement de 152 500 € par bénéficiaire
- Décès après 70 ans : application de l’article 757 B avec abattement global de 30 500 €
- Réunion de l’usufruit et de la nue-propriété : en principe non imposable
La complexité de ces règles souligne l’importance d’une planification rigoureuse et d’un suivi attentif tout au long de la vie du contrat démembré. Une documentation précise des opérations réalisées et des choix effectués s’avère indispensable pour sécuriser le traitement fiscal au moment du dénouement.
Stratégies d’optimisation fiscale via le démembrement en assurance vie
Le démembrement de l’assurance vie offre de nombreuses possibilités d’optimisation fiscale qui, correctement exploitées, peuvent générer des économies substantielles. Ces stratégies doivent être élaborées en fonction des objectifs patrimoniaux poursuivis et de la situation familiale du souscripteur.
Transmission intergénérationnelle optimisée
L’une des utilisations les plus courantes du démembrement en assurance vie concerne l’organisation de la transmission intergénérationnelle du patrimoine. Cette approche permet de concilier les intérêts parfois divergents des différentes générations tout en minimisant la charge fiscale globale.
La clause bénéficiaire démembrée constitue un outil privilégié dans ce contexte. En désignant le conjoint survivant comme bénéficiaire en usufruit et les enfants comme bénéficiaires en nue-propriété, le souscripteur permet au premier de conserver un revenu tout en garantissant aux seconds la récupération du capital à terme.
Cette configuration présente plusieurs avantages fiscaux :
Premièrement, elle permet une double application des abattements prévus par l’article 990 I du CGI (152 500 € par bénéficiaire pour les primes versées avant 70 ans) : une fois pour l’usufruitier, une fois pour chaque nu-propriétaire. Cette multiplication des abattements réduit significativement l’assiette taxable.
Deuxièmement, la valorisation fiscale de l’usufruit et de la nue-propriété selon le barème de l’article 669 du CGI permet d’optimiser la répartition de la charge fiscale. Plus l’usufruitier est âgé, moins la valeur fiscale de l’usufruit est élevée, ce qui réduit proportionnellement sa taxation.
Enfin, au décès de l’usufruitier, la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété s’opère sans taxation supplémentaire, ce qui évite une seconde couche d’imposition lors de la transmission finale aux enfants.
Optimisation IFI via le démembrement
Le démembrement peut constituer un levier d’optimisation vis-à-vis de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), notamment lorsque le contrat d’assurance vie comporte une part significative d’actifs immobiliers imposables.
En principe, pour les contrats d’assurance vie non démembrés, la valeur de rachat correspondant aux actifs immobiliers est intégrée à l’assiette de l’IFI. En cas de démembrement, les règles d’imposition diffèrent selon que le démembrement résulte d’une succession ou d’une donation.
Lorsque le démembrement procède d’une succession, c’est l’usufruitier qui est redevable de l’IFI sur la valeur en pleine propriété des actifs immobiliers sous-jacents au contrat. Cette règle peut s’avérer défavorable pour l’usufruitier, mais permet au nu-propriétaire d’échapper totalement à l’imposition.
À l’inverse, lorsque le démembrement résulte d’une donation, chaque titulaire (usufruitier et nu-propriétaire) est imposé séparément à l’IFI sur la valeur de ses droits respectifs. Cette répartition de la charge fiscale peut générer une économie globale d’impôt, notamment si l’un des titulaires se situe sous le seuil d’imposition à l’IFI (1,3 million d’euros).
Sécurisation du quasi-usufruit et créance de restitution
Le quasi-usufruit, qui permet à l’usufruitier d’utiliser les capitaux à charge de restitution, constitue un mécanisme particulièrement intéressant d’optimisation fiscale, à condition d’être correctement sécurisé.
La formalisation précise du quasi-usufruit par une convention spécifique est indispensable pour garantir la reconnaissance fiscale de la créance de restitution. Cette convention doit détailler les modalités d’exercice des droits de l’usufruitier et les conditions de la restitution au nu-propriétaire.
L’intérêt fiscal majeur du quasi-usufruit réside dans la créance de restitution dont dispose le nu-propriétaire contre la succession de l’usufruitier. Cette créance, évaluée au jour du décès de l’usufruitier, vient en déduction de l’actif successoral, réduisant ainsi l’assiette des droits de succession.
Pour maximiser cet avantage, plusieurs précautions s’imposent :
- Rédiger une convention de quasi-usufruit exhaustive
- Tenir une comptabilité précise des capitaux soumis au quasi-usufruit
- Prévoir les modalités d’évaluation de la créance de restitution
- Envisager des garanties pour sécuriser la créance du nu-propriétaire
Dans certains cas, la mise en place d’une garantie, telle qu’une hypothèque ou un nantissement, peut renforcer la position du nu-propriétaire et faciliter la reconnaissance fiscale de sa créance de restitution.
Ces stratégies d’optimisation doivent être maniées avec précaution. L’administration fiscale est particulièrement vigilante face aux montages qui auraient pour seul objectif l’évitement de l’impôt. La mise en œuvre d’un démembrement doit donc toujours s’inscrire dans une logique patrimoniale cohérente, répondant à des objectifs légitimes de gestion et de transmission du patrimoine.
Aspects pratiques et pièges à éviter dans la gestion fiscale du démembrement
La mise en œuvre et la gestion d’un contrat d’assurance vie démembré nécessitent une attention particulière pour éviter certains écueils fiscaux qui pourraient compromettre les avantages recherchés. Une approche méthodique et rigoureuse s’impose tout au long de la vie du contrat.
Rédaction soignée des conventions de démembrement
La pierre angulaire d’un démembrement réussi réside dans la qualité rédactionnelle de la convention qui l’encadre. Ce document juridique fondamental doit anticiper l’ensemble des situations susceptibles de survenir pendant la durée du démembrement.
La convention doit impérativement préciser :
Les modalités de financement des primes : qui verse quoi et selon quelle répartition ? Cette précision est fondamentale pour déterminer le traitement fiscal des versements et éviter toute requalification en donation indirecte.
Les droits respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire concernant la gestion du contrat : qui peut modifier les supports d’investissement ? Qui peut demander des arbitrages ? Ces questions opérationnelles ont des implications fiscales indirectes non négligeables.
Les conditions d’exercice du droit de rachat : rachat possible uniquement d’un commun accord ou prérogative attribuée à l’usufruitier dans certaines limites ? La réponse à cette question détermine le régime fiscal applicable aux produits rachetés.
En cas de quasi-usufruit, les modalités précises de la restitution : montant, délai, éventuelles garanties. Ces éléments conditionnent la reconnaissance fiscale de la créance de restitution et son efficacité lors du règlement de la succession de l’usufruitier.
L’intervention d’un notaire ou d’un avocat fiscaliste dans la rédaction de cette convention constitue une sécurité supplémentaire, particulièrement recommandée pour les patrimoines importants.
Documentation rigoureuse des opérations
La traçabilité des opérations effectuées sur un contrat démembré revêt une importance capitale en cas de contrôle fiscal. Une documentation insuffisante peut compromettre les avantages fiscaux recherchés.
Il est vivement recommandé de :
Conserver l’ensemble des justificatifs de versements des primes, en identifiant clairement leur origine (usufruitier, nu-propriétaire ou mixte). Ces documents permettront d’établir la réalité économique du démembrement face à l’administration fiscale.
Archiver les relevés périodiques du contrat, qui témoignent de son évolution et de sa gestion conforme aux stipulations de la convention de démembrement. Cette chronologie constitue un élément probatoire précieux.
Formaliser par écrit toute décision conjointe relative au contrat (modification d’allocation d’actifs, rachats partiels, etc.). Ces documents démontrent le respect des prérogatives de chaque partie.
Tenir une comptabilité spécifique des capitaux soumis à quasi-usufruit, en distinguant le capital initial, les produits générés et les éventuels prélèvements effectués. Cette comptabilité facilitera le calcul de la créance de restitution.
Risques de requalification fiscale et sécurisation
Plusieurs risques de requalification fiscale guettent les contrats d’assurance vie démembrés, particulièrement lorsque leur mise en œuvre s’écarte des principes fondamentaux du démembrement.
Le principal danger est la requalification en donation indirecte lorsqu’une personne finance un contrat au profit d’un tiers. Par exemple, si un parent verse des primes sur un contrat dont son enfant est nu-propriétaire, sans que ce versement corresponde à la valeur économique de la nue-propriété, l’administration fiscale peut y voir une donation soumise aux droits d’enregistrement.
Pour sécuriser le démembrement face à ce risque :
- Veiller à ce que chaque partie finance les primes à hauteur de ses droits (selon le barème de l’article 669 du CGI)
- Documenter précisément l’origine des fonds utilisés pour les versements
- Respecter scrupuleusement les prérogatives de chaque titulaire dans la gestion du contrat
Un autre risque concerne la reconnaissance de la créance de restitution en cas de quasi-usufruit. L’administration peut contester cette créance si elle n’est pas suffisamment formalisée ou si son montant paraît artificiel. Pour prévenir cette difficulté, une convention de quasi-usufruit détaillée, éventuellement assortie de garanties, constitue une protection efficace.
Anticipation des évolutions législatives et jurisprudentielles
La fiscalité de l’assurance vie, et plus particulièrement celle applicable aux contrats démembrés, connaît des évolutions régulières qu’il convient d’anticiper pour adapter sa stratégie.
La veille juridique et fiscale constitue une nécessité pour les détenteurs de contrats démembrés significatifs. Les modifications législatives peuvent en effet affecter sensiblement l’économie du démembrement et remettre en cause certains avantages initialement recherchés.
De même, l’évolution de la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, peut clarifier ou modifier l’interprétation des textes applicables au démembrement. Ces décisions doivent être prises en compte pour ajuster, si nécessaire, les modalités du démembrement.
Face à ces incertitudes, une approche prudente consiste à privilégier les schémas de démembrement classiques et éprouvés, tout en prévoyant dans la convention des clauses d’adaptation permettant de réagir aux évolutions législatives ou jurisprudentielles majeures.
L’accompagnement par un conseiller spécialisé dans la durée, capable d’alerter sur les changements pertinents et de proposer les ajustements nécessaires, constitue un atout majeur pour pérenniser l’efficacité fiscale du démembrement d’un contrat d’assurance vie.
